Une expérience client révélatrice des écarts entre beau discours et réalité terrain
Ce qui est bien quand notre terrain de jeu professionnel est le commerce, c’est qu’on peut, grâce à nos propres expériences clients du quotidien, enrichir nos réflexions et confronter les théories à la réalité pragmatique du terrain.
Ainsi, dernièrement, j’ai encore eu l’occasion de me rendre compte du chemin qu’il reste à parcourir pour certaines enseignes (et pas des moindres) pour être véritablement omnicanal, pour proposer un parcours fluide entre web et magasin… et vous verrez, je ne vais pas vous parler de process compliqués mais de basiques métiers.
Il y a quelques jours, mon frigo tombe en panne – bien rempli bien entendu sinon c’est pas drôle. Normalement dans ces cas-là, je fais mon comparatif sur internet, c’est plus pratique et surtout plus rapide quand il s’agit d’une « urgence ». Or il se trouve que ce même jour je devais aller faire d’autres courses donc j’en profite pour passer au magasin d’électro-ménager (que je ne citerai pas mais il s’agit d’une des enseignes leaders du marché).
Un merchandising d’un autre temps
Là, je me retrouve devant des dizaines de modèles alignés…
Malgré tout, je comprends la logique de segmentation merchandising -même si ce n’est pas clairement indiqué pour le client et qu’on trouve aussi quelques caves à vins au milieu : les réfrigérateurs, les encastrables, les combinés réfrigérateurs/congélateurs, les 2 portes, avec le congélateur en haut ou en bas, les américains… avec distributeur de glaçons… Des blancs, des inox, des colorés… à tous les prix : de 179€ à plus de 4000€ (et même pas trié du moins cher au plus cher), de toutes les marques… Et je ne vous parle même pas de toutes les caractéristiques techniques…
Bref, pas facile de s’y retrouver… En parallèle de l’omnicanal, il y a donc aussi et encore de gros progrès à faire sur le merchandising du gros électroménager qui, j’ai l’impression, n’a pas beaucoup évolué ces dernières décennies !
La complémentarité du digital et du physique
Je note quand même quelques modèles et me dis que j’irais voir sur internet car c’est plus facile d’y faire son choix. En effet, en ligne, on trouve des comparateurs bien pratiques : on sélectionne les modèles qui nous conviennent grâce aux différents filtres et on obtient un tableau comparatif de toutes les caractéristiques.
Mais alors pourquoi ne pas utiliser en magasin ce qui marche bien en ligne ? Pourquoi ne pas faire profiter les magasins (et les clients surtout) des contenus créés pour le web ? Cela ne me semble pas si compliqué de mettre en rayon une tablette/borne avec cette fonctionnalité, d’autant plus qu’on pourrait personnaliser au stock magasin puisque ceux-ci sont connus dans le système (la fonctionnalité « disponibilité produit en magasin » existant sur le site).
Alors bien sûr, on va me dire « tu aurais pu demander à un vendeur de te conseiller » mais là je n’avais pas le temps et j’avais envie de me débrouiller par moi même, d’où l’interêt d’une aide au choix digitale dans ces cas-là. Les deux sont complémentaires, il ne s’agit pas de privilégier l’un par rapport à l’autre mais bien de donner le choix au client.
Web / Magasin / Service client : les silos ont la vie dure
Une fois encore, je vois là le principal problème du retail français actuellement : le fait que les silos entre offline et online perdurent, web d’un côté, magasin physique de l’autre.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, ce serait trop simple.
Au fil de mes recherches, de mes critères de choix et de ma contrainte supplémentaire d’être livrée le lendemain (eh oui il y a urgence je vous le rappelle… D’ailleurs, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas un parcours client spécifique pour cette situation… mais c’est un autre sujet !), je finis par trouver le modèle qu’il me faut sur un autre site, d’une autre enseigne click&mortar (avec des magasins physiques donc, je précise car c’est important pour le reste du récit). Je commande et bonne nouvelle ! Je serai livrée le lendemain matin entre 9h et 13h… Normalement.
Malheureusement, le lendemain, pas de nouvelle du livreur et ma commande est en statut « en cours de livraison » sur le site web, sans autre détail.
Erreur de numéro…
Dans l’après-midi, je me décide donc à appeler le service client avec le numéro indiqué sur le site. J’indique à l’opératrice mon numéro de commande et là, surprise, elle me dit :
– « ah c’est une commande internet ? On ne traite que les commandes magasins ici, vous n’êtes pas au bon numéro »
– « C’est le numéro indiqué sur votre site et il n’y en a pas d’autres, je ne comprends pas »
– « Oui, je ne comprends pas non plus pourquoi tous les appels arrivent ici ! Je vous donne le bon numéro »
Donc, 1ère erreur, le site web indique un numéro qui n’est pas le bon pour traiter les commandes du site. J’ai envie de dire, c’est quoi cette blague ?
Donc déjà on est très loin de l’omnicanal… mais en plus en termes de service client c’est désastreux : lorsqu’on appelle un SAV c’est déjà qu’il y a un problème mais là on en rajoute une couche.
Bref, prenant mon mal en patience, j’appelle le bon numéro, l’opérateur me dit « je ne sais pas ce qui se passe, je vais voir avec le magasin ». Il me met en attente puis me reprend : « je n’arrive pas à les joindre, je leur laisse un message pour qu’ils vous recontactent directement ».
Evidemment, je n’ai jamais reçu cet appel ni le jour même, ni le lendemain.
Optimiste, je me dis que je vais être livrée le lendemain matin. Ne voyant rien venir le lendemain matin, je me décide à rappeler en fin de matinée, le bon numéro cette fois hein ! Rebelote : « je vais voir avec le magasin concerné ». 15 minutes d’attente plus tard : « je vous mets en relation avec le magasin », puis la responsable logistique du magasin m’explique : « il y a eu un bug avec le site, nous n’avions pas votre commande, le produit est bien là mais les livreurs sont déjà partis faire leur tournée ». Argh…
Finalement, après argumentation de ma part, une bonne volonté de la sienne et, sans doute aussi, un bon sens client, elle réussit à appeler les livreurs et les faire revenir chercher mon frigo au magasin pour me le livrer dans la journée… Ah ouf ! on y est arrivé !
La bonne nouvelle ici, c’est que l’humain a eu raison du bug technologique.
Retail is detail
Bon, ce ne serait pas drôle s’il n’y avait pas eu un dernier problème… Plus anecdotique celui-là, mais le diable ne se cache-t-il pas dans les détails ?
Lors de ma commande, le site m’a proposé de choisir le côté d’ouverture de ma porte ce qui, je trouve, est une petite attention supplémentaire à valeur ajoutée. Mais là encore, le frigo est arrivé… avec la porte du mauvais côté !
Alors, je ne sais pas si ce sont les livreurs qui devaient procéder à ce changement (mais vu le temps qu’on a mis à le faire ça m’étonnerait) ou si les stocks magasins prévoient des produits avec porte à gauche et porte à droite (ce qui m’étonne aussi mais bon, sait-on jamais ?) et que les préparateurs de commande n’y ont pas prêté attention…
Toujours est-il que ça en a encore rajouté une couche sur mon expérience client déjà bien amochée.
Heureusement dans tout ça, je retiens quand même le sens client de la responsable logistique et la gentillesse des livreurs… mais je ne suis pas sûre que je recommanderais (sur) ce site.
Back to basics
Devenir omnicanal n’est pas chose facile je le sais (et d’ailleurs j’en parle dans ma thèse disponible ici) mais dans le cas présent, on parle davantage de bon sens client et de basiques métiers que de mettre en place des process compliqués, non ?
Car si je résume, il s’agit en premier lieu :
- D’améliorer le merchandising physique en magasin (signalétique, segmentation…)
- L’augmenter par du contenu digital : borne d’aide au choix reprenant le comparateur disponible sur le site de l’enseigne
- D’avoir un seul numéro client pour toutes les commandes quel que soit le canal utilisé et, a minima si ce n’est pas le cas, indiquer sur le site (et le mail de confirmation de commande) le bon numéro de téléphone à joindre
Omnicanal ? On en est encore loin sur certains points et même dans de grandes enseignes qui pourtant peuvent être plus performantes en la matière sur d’autres.
Un des moyens pour les enseignes de s’en rendre compte et d’y remédier est d’expérimenter fréquemment de réels parcours d’achat. Mais ça, c’est un autre sujet dont je parlerai dans un article à venir !